Concevoir des « unités pédagogiques » pour enseigner avec l’ANL

Joan NettenIl y a désormais vingt ans, le projet de bilinguisme de l’État fédéral canadien créait les conditions d’émergence d’un nouveau paradigme pédagogique pour l’enseignement des langues secondes – l’approche neurolinguistique – dont le but était de créer en salle de classe les conditions optimales pour développer des compétences de communication en langue cible. Aujourd’hui, alors que la globalisation des échanges stimule les désirs autant que les besoins d’apprendre de nouvelles langues, je me réjouis de voir que cette proposition que nous avions faite avec mon collègue Claude Germain trouve de plus en plus d’écho chez les enseignants à l’échelle internationale, pour l’enseignement du français langue seconde, d’une part, mais également pour d’autres langues, comme j’ai pu le constater au travers des rencontres avec les enseignants ayant suivi les stages proposés par le CiFRAN.

L’ANL permet en effet aux apprenants de développer une compétence implicite (que nous appelons « grammaire interne »), nécessaire pour être capable de communiquer spontanément, qui rend le temps de travail en classe plus efficace et donne des résultats plus rapides qu’avec les méthodes utilisées couramment dans la plupart des milieux scolaires. Pour atteindre son but, l’ANL prend appui sur cinq principes fondamentaux qui dirigent toute la démarche : l’utilisation de la langue doit être faite dans des contextes de communication qui soient authentiques et signifiants pour les apprenants, où l’accent se trouve mis sur le message communiqué plutôt que sur sa forme, de sorte que les apprenants se trouvent engagés cognitivement. La clé de la réussite de notre approche repose ainsi, certes, sur la qualité de la pratique des stratégies d’enseignement mises à profit dans le temps de la classe, mais également sur l’exploitation de ressources pédagogiques en lien avec le fil curriculaire utilisé.

Une mise en œuvre optimale de l’ANL ne saurait donc être réduite à une compréhension générale des principes neuroéducatifs et à l’exploitation de stratégies d’enseignement qui reflètent ces principes. Elle nécessite également l’élaboration d’unités curriculaires reflétant les cinq principes constitutifs de l’approche avec la démarche neuroéducative qui les sous-tend.

Les formateurs du CiFRAN, qui ont ouvert la voie à une diffusion de l’ANL en dehors du cadre institutionnel, font un travail formidable pour initier à l’ANL des professeurs enseignant diverses langues dans toutes sortes de contextes très différents. Il n’est donc pas étonnant qu’il leur ait rapidement été demandé de poursuivre la formation initiale offerte par un stage d’approfondissement en mesure de fournir un cadre méthodologique pour la conception d’unités pédagogiques conçues spécifiquement pour tous ces contextes d’enseignement variés.

À partir d’exemples concrets, ce stage permet à la fois de préciser la démarche d’élaboration de parcours pédagogiques échafaudés à partir de notre pédagogie de projet spécifiquement dédié au développement de la L2 et, en même temps, de détailler comment nous faisons en sorte que les apprenants maximisent l’utilisation de la langue et minimisent les considérations métalinguistiques sur celle-ci, tout cela afin d’être capable de communiquer spontanément, de lire avec aisance et d’écrire sans recourir systématiquement à la traduction.

Lors de ce stage du mois d’août 2018, les participants nous ont confié la difficulté qu’il y a à remiser des années d’expérience et d’élaboration de ressources centrées sur des contenus langagiers pour s’engager dans une démarche d’ingénierie visant au premier chef l’engagement cognitif des apprenants, leur implication linguistique en langue cible, avec un réemploi maximisé des mêmes structures et du même lexique de manière spiralaire dans chaque unité de travail, tel que nous le recommandent les neurolinguistes comme Michel Paradis ou Nick Ellis. Le travail fut dense, et la mise en forme des unités conçues est à poursuivre, assurément, mais les stagiaires auront sans aucun doute mieux compris les linéaments constitutifs de l’approche neurolinguistique; ils seront également mieux à même de répondre aux besoins de leurs apprenants par la création de ressources prenant appui sur leurs centres d’intérêt, dès le départ, afin de maintenir la motivation tout au long de chaque séance.

Nous espérons qu’à l’avenir, de plus en plus d’enseignants pourront partager une telle expérience très enrichissante.

Joan Netten

Co-conceptrice de l’ANL

novembre 2018

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