Il faudrait pousser les portes de ces grandes pièces pour voir ce qui se passe derrière...
Édouard Mireault, professeur de francisation, devant la Cité interdite de Beijing

Moi-même professeur de francisation, j’ai découvert l’ANL à l’occasion de mon cours en acquisition des langues pendant mon cursus en didactique des langues secondes à l’Université Laval avec le Dr Steeve Mercier. Les échanges étaient toujours passionnés avec ce professeur, et, parmi les nombreuses recommandations qu’il nous faisait, il nous encourageait souvent à nous lancer dans l’apprentissage d’une langue lointaine.

C’est ainsi que j’ai décidé de suivre le cours de chinois élémentaire 1 de Mme la professeure Sun Min, à l’Université Laval. Ayant moi-même été initié à la pratique de l’ANL, j’ai tout de suite retrouvé chez elle les stratégies d’enseignement fondamentales qui caractérisent cette approche : partant de sujets proches de nous, Mme Sun modélisait les formes des questions à l’oral pour que les étudiants puissent se les poser mutuellement à chaque séance. En amorçant de courtes discussions contextualisées par la professeure, nous étions corrigés systématiquement, en structure autant qu’en prononciation, de sorte qu’il devenait vite naturel pour nous, lors des cours ou des évaluations à l’oral, de formuler nos phrases de manière spontanée, sans même avoir besoin d’y réfléchir : en parlant, nous apprenions à parler.

Fort de cette expérience motivante, j’ai souhaité poursuivre mon apprentissage du chinois en immersion. Je me suis rendu à Dalian, en Chine, pour suivre un stage intensif. Quel choc lorsque j’ai découvert la manière d’enseigner la langue des spécialistes de l’empire du Milieu! J’avais un cours « d’écrit », un cours de « grammaire », bon… Mais il y avait aussi un cours de « conversation », durant lequel l’enseignante ne déléguait quasiment jamais la parole aux étudiants! Le fondement du cours consistait à nous assener, chaque jour, une liste quotidienne d’une trentaine de mots nouveaux que nous devions réciter à tue-tête pendant 20 à 25 minutes! Et que dire des thèmes abordés, tels « le mariage » ou « l’air climatisé », qui parvenaient à faire tomber notre motivation à zéro dès le début de chaque semaine…

Tant d’intérêt chez les étudiants qui veulent apprendre une langue étrangère et qui butent ainsi trop souvent sur un enseignement des langues explicite et totalement rébarbatif. Pour ma part, ayant reçu un enseignement avec l’ANL et un enseignement traditionnel, j’ai pu constater l’écart de progression des étudiants. Dans la classe de Mme Sun Min, les étudiants sortaient du cours motivés, amusés de pouvoir utiliser une langue lointaine aussi rapidement avec le sentiment d’être guidés.

J’espère vraiment que l’ANL, une approche motivante qui permet de communiquer spontanément en langue étrangère, va se développer dans l’enseignement du mandarin… au final, sans même avoir besoin de courir au bout du monde!

Édouard Mireault
Professeur de francisation

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